En juillet 2016, Jeanne apprend sa maladie. Son cancer du sein et les traitements lourds vont désormais rythmer sa vie et celle de son conjoint.  Comment vivre le choc de l’annonce, la chimiothérapie, la nécessaire réorganisation familiale, l’impact professionnel et le quotidien chamboulé à deux ? Quels effets sur le couple ?

L’annonce du cancer

M’toncouple : Jeanne, vous avez eu un cancer du sein en 2016…. Pouvez-vous évoquer le moment où vous l’avez appris ?

Jeanne :  En juillet 2016, j’ai senti une plaque dans mon sein en me mettant de la crème solaire. J’ai tout de suite appelé le radiologue pour avancer mon rendez-vous. Je n’étais pas très inquiète, bien consciente que cette grosseur étrange pouvait être cancéreuse, mais surtout pressée d’avoir une réponse. Le surlendemain, le radiologue m’a expliqué ce qu’il voyait à l’échographie, sans manifester le moindre signe me laissant deviner un diagnostic. J’ai posé beaucoup de questions mais suis repartie sans la réponse: cancer ou pas? C’est le rappel du médecin pour avancer la biopsie qui m’a alertée. L’accélération du processus est rarement bon signe ! L’annonce d’un cancer, déjà bien installé, n’a donc pas été une surprise. J’étais à chaque fois seule (échographie, biopsie, annonce), mais cela ne m’a pas dérangée. Entre la découverte de la grosseur et l’annonce du cancer, Jean-Pierre et moi avons bien discuté de cette « nouveauté ». J’ai eu le temps de me « projeter » et d’imaginer comment se présenterait éventuellement la rentrée: ne pas reprendre mon travail, passer du temps à l’hôpital, être confrontée à un diagnostic plus sombre…avec l’envie très forte de « mettre mon corps en ordre de bataille ».

La réaction du couple face à la nouvelle

 Mtoncouple : Comment vous l’avez annoncé à votre mari Jean-Pierre ? Et quelle a été sa réaction ?

Jeanne : J’ai appelé mon mari pour lui confirmer notre crainte. Il était bien sûr désolé mais pas surpris, nous n’avons donc jamais ressenti l’effet « coup de massue » dont beaucoup peuvent souffrir. On avait décidé de ne rien dire à nos enfants, pour ne pas gâcher leurs vacances. Ils ont « avalé » la fable du mois d’août rempli de rendez-vous pour mon travail qui était en fait des rendez-vous à l’institut Curie.
Du coup, faire bonne figure partout nous a permis, au départ, de prendre du recul face à la maladie, de ne pas lui laisser trop d’espace, et de ne pas être « pollués » par les avis de chacun.

Jean-Pierre :  Nous avons découvert les symptômes de ce cancer du sein ensemble. Notre première réaction a été instinctive et mécanique : prendre des rendez-vous afin de passer des examens le plus rapidement possible. Les résultats de ces examens cliniques ont d’abord été connus par Jeanne qui me les a transmis presque simultanément. Il n’y a donc pas eu d’effet de surprise lors de la confirmation de ce que nous redoutions.

Vivre la maladie à deux

Quel impact la maladie a-t-elle eu au sein de votre couple et quelle a été la place du cancer dans votre vie de couple ? Cela a-t-il changé quelque chose entre vous ?

Jeanne :  Le cancer n’a pas tellement pris de place physique dans notre couple car hormis les 4 mois de chimio, j’ai continué à travailler. Le rythme des semaines permettait de penser à autre chose. C’était pour moi une manière efficace de mettre la maladie de côté, un peu comme une péripétie qui ne m’empêcherait pas de vivre normalement, avec des coups de fatigue au moment des diverses opérations mais sans handicap particulier.

Jean-PierreJeanne a assumé toutes les conséquences négatives et surtout physiques de ce cancer. Nous avons eu à cœur d’informer rapidement nos enfants et de les rassurer. Très maladroitement et avec regret aujourd’hui, je n’ai pas changé mon rythme de vie professionnel. Jeanne m’en a, très justement, fait le reproche.

Communiquer de façon positive

Avez-vous eu des difficultés à communiquer sur ce que vous viviez ?  Comment cela se passait ? 

Jeanne :  Nous avons très vite choisi l’humour pour parler du cancer, peut-être pour se protéger de ce que cette maladie a d’inquiétant… L’écueil est de ne pas être forcément comprise quand on a des coups de mou ! J’ai très bien vécu le fait d’être chauve ou de perdre un sein. Ce n’était donc pas des motifs d’incompréhension entre nous, bien au contraire. Nous avons  souvent discuté de la place du corps, de son « entretien » (continuer à faire du sport, faire attention à sa silhouette) de son apparence/réalité (prothèse extérieure du sein ou reconstruction). Se retrouver la plupart du temps en phase était très positif.

Jean-Pierre : Il n’y a eu aucun problème de communication. J’ai adopté une attitude positive et rassurante sans jamais laisser apparaître une quelconque inquiétude. Résolument optimiste, j’ai considéré la phase de soins comme un point de passage obligé qui s’effectuait normalement.

M’toncouple : Jean-Pierre, quelles aides avez vous apporter à Jeanne ? Et avec le recul, auriez-vous vous fait des choses de façon différente ?

D’une manière pratique, j’ai apporté peu d’aide matérielle à Jeanne. D’un point de vue affectif, je n’ai pas été ni assez présent, ni assez attentif. J’ai privilégié un comportement volontariste, ne souhaitant pas rendre « la maladie » omniprésente.

L’impact de la maladie sur la relation sexuelle

Mtoncouple : La maladie a t elle eu un impact sur votre relation sexuelle, sur la libido de votre couple ? Qu’est ce qui change et comment s’adapter ?

Jeanne :  Ce sont les traitements et la fatigue induite qui ont eu des conséquences sur notre sexualité. Elle a été mise de côté pendant certaines périodes. Cela n’a pas eu d’impact particulier sur notre couple. La tendresse et l’affection étant toujours importantes entre nous deux, elles ont naturellement comblé ce qui manquait. Ma libido est différente, car les traitements anti-hormonaux l’affectent. On en parle facilement.

Jean-Pierre : Il n’y a pas eu de conséquence particulière mais ce sujet est devenu, tout naturellement, secondaire. L’humour nous a permis de relativiser les changements physiques.

Les découvertes faites sur son couple 

M’toncouple : Jeanne, vous allez bien maintenant mais le cancer ne s’efface jamais complètement, quel impact a-t-il  sur votre couple ? Quels mots utiliseriez pour décrire votre relation après cette épreuve ?

Jeanne : C’est une fois les traitements lourds terminés que l’impact du cancer s’est fait sentir. Je me retourne sur le chemin parcouru avec étonnement, je me suis sentie très souvent seule face à la maladie. Jean-Pierre a continué son rythme sans rien changer à ses horaires très contraints. J’ai réalisé à quel point nous étions différents ! Pour décrire ces années de traitements, le mot « aventure » me vient à l’esprit. Elle continue car la forme de mon cancer est récidivante, mais on est complètement en phase pour ne pas lui accorder plus d’importance qu’elle n’en a.

Jean-Pierre : Cette maladie n’a pas provoqué de changement dans nos relations. L’omniprésence des effets secondaires du traitement ne permet ni oubli, ni insouciance. La crainte d’une rechute, véritable « épée de Damoclès », n’efface jamais l’épreuve subie.

Des conseils pour vivre cette période 

 M’toncouple :Que diriez vous chacun aux couples confrontés à la maladie ?

Jeanne : Chaque personne réagit différemment, je l’ai constaté très souvent en discutant avec mes « copines de chimio » de l’institut Curie. Des solutions qui me conviennent, paraissent totalement incongrues à certaines. D’autres ont des attitudes qui me semblent puériles ou inconscientes mais qui fonctionnent ! Chacune trouve sa stratégie et chaque couple son équilibre pour faire face. Avec le recul, je crois que j’aurais dû me faire aider matériellement, mais ne rien changer à ma vie faisait partie d’un challenge personnel qui m’a donné de l’énergie…Je n’ai pas de recette miracle en tout cas!

Jean-Pierre : Quelques conseils pratiques : aller vite, ne rien minimiser, ne rien exclure. Et des conseils plus personnels : mettre entre parenthèses ses préoccupations professionnelles, aborder plus souvent ce sujet avec ses enfants, apporter une attention totale à son conjoint. Tout en étant lucide, rester optimiste et ne pas changer radicalement ses habitudes.

Pour aller plus loin lire l’article de la ligue contre le cancer : Préserver la communication au sein du couple.

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