Tic, tac, cette horloge de l’attente d’un bébé résonne en vous, occupe votre quotidien de couple, remplit vos pensées… L’envie d’un bébé est bien là, mais malheureusement celui-ci n’arrive pas. Les remises en question arrivent de toute part. Les mois défilent et vous passez le pas d’aller consulter un spécialiste en fertilité. Les examens médicaux s’enchaînent et là, le verdict tombe, parfois froidement : « il faut vous faire aider médicalement pour avoir un bébé ». La nouvelle à peine digérée, on vous propose un parcours de Procréation Médicalement Assistée (PMA). Cette aventure éprouvante commence pour le couple : les temps d’intimité à deux deviennent plus rares à glisser dans cette spirale médicalisée. « C’est une période extrêmement compliquée pour le couple », explique Sophia, une femme de 40 ans, qui a suivi deux parcours de PMA. Trois difficultés principales apparaissent pour le couple.
Première difficulté : l’entrée dans un parcours PMA
Étape 1 : l’acceptation
« La décision pour nous n’a pas été facile à prendre, nous avions besoin d’une phase de discernement », explique Frank, un trentenaire en couple avec Sylviane. « Pendant cette phase de discernement, nous avons compris que nous avions des points de vue différents, car nous étions fondamentalement faits différemment. Quand nous étions dans l’attente d’un enfant, Sylviane vivait plus fortement cette attente et moi, j’en souffrais moins ». Pour Sylviane, il était difficile d’exprimer sa profonde souffrance à son mari, « j’étais inquiète dès le début, car je sentais que quelque chose n’allait pas. Avec Frank, nous n’avions pas le même calendrier en tête. Lui ne voyait pas pourquoi il fallait attendre indéfiniment. Moi, j’avais envie de laisser sa chance à la Nature ».
Maxime*, un papa de 36 ans, explique bien que lui et sa femme Julie*, bien qu’ils aient la même vision sur la PMA, n’avaient pas la même manière de l’exprimer : « de mon côté, je n’avais pas besoin de verbaliser le fait que nous prenions la décision d’une PMA. Elle était pour moi évidente, même si implicite ». Pour Julie, il en était tout autrement : « j’avais besoin que l’on se pose à deux pour se dire, c’est bien ça, c’est la bonne décision. J’étais fortement agacée, car j’avais l’impression qu’on ne prenait pas de décision, que l’on n’avançait pas, alors qu’en fait pour Maxime la décision de s’engager sur un parcours de PMA était évidente. »
Quant à Sophia et Dylan, l’acceptation ne s’est pas actée de la même manière. Sophia raconte que lorsque son médecin lui a parlé de PMA, elle a ressenti « un coup de massue », un peu comme si un monde s’effondrait, tandis que pour Dylan, ce n’était qu’une étape à franchir et en aucun cas une situation dramatique. « Pour moi, Dylan n’avait pas conscience de la montagne qui nous attendait », explique Sophia.
Étape 2 : jusqu’où aller ?
Jusqu’où est-ce que je suis prêt(e) à aller pour avoir un bébé ? La Sécurité Sociale rembourse jusqu’à quatre fécondations in vitro[1]. Est-ce que je suis prêt(e) à financer moi-même les autres FIV si les quatre premières ne fonctionnent pas ? Des questionnements que peuvent se poser un couple en parcours de PMA et qui soulèvent des discussions plus ou moins vives, un couple n’ayant pas forcément une vision identique sur le sujet. Sylviane explique qu’une fois « que l’on a mis le doigt dans l’engrenage, on a du mal à prendre du recul et le couple passe après ». Pour celle-ci, il était primordial qu’ils prennent du temps à deux pour se poser les bonnes questions et se donner les limites qu’ils souhaitaient dans ce parcours. Première difficulté rencontrée pour eux : les limites de Frank étaient plus flexibles que celles de Sylviane. Or, cette dernière avait besoin « d’éveiller Frank sur les risques qu’ils prenaient ensemble ». C’est à l’issue d’un long dialogue et d’une pause spirituelle que Frank et Sylviane ont ressenti une adéquation entre eux sur le sujet de la PMA. « Un véritable soulagement » pour Sylviane qui se sentait comprise par Frank. Quant à lui, il souhaitait plus que tout respecter la décision de Sylviane, car « c’est son corps qui allait subir les traitements ».
Deuxième difficulté : chaque membre du couple arrive avec son propre bagage
« Le parcours se vit à deux mais pas forcément de la même manière[2] », explique Juliette Pin, psychologue clinicienne. Les hommes et les femmes qui s’engagent sur la route sinueuse d’une Procréation Médicalement Assistée ne vivent pas ce parcours à l’identique. En effet, chacun a son propre corps avec ses propres expériences.
La souffrance de l’autre difficile à comprendre
Une des grandes difficultés rencontrée pour les couples qui vivent une PMA est de comprendre ce que l’autre ressent au plus profond de lui-même. Pour Frank, il lui a fallu du temps pour appréhender la manière dont sa compagne vivait cette attente pendant le parcours : « ma plus grande souffrance était d’être dans l’incapacité d’apaiser la souffrance de Sylviane ». Quant à Maxime, il ressentait le stress de sa femme quant au fait de ne pas réussir à tomber enceinte. Cependant, il n’arrivait pas à lui apporter de l’aide dans la gestion de ce sentiment d’insécurité. Jusqu’au jour, où lors d’un trajet en voiture, il a dit tout haut ce qu’il pensait tout bas : « certes, une vie sans enfant serait un peu triste. Mais la vie à deux c’est super chouette aussi, si la PMA ne fonctionne pas. » Avec une seule phrase, Maxime a soulagé Julie !
« Lors d’un deuxième parcours de PMA, après une FIV qui a échoué, je me suis renfermée sur moi-même, complémentement recluse à la maison, notamment quand des copines m’annonçaient qu’elles étaient enceintes. J’étais en souffrance, j’avais l’impression d’être atteinte personnellement par ces annonces », explique Sophia. Malheureusement, Dylan avait du mal à comprendre cette souffrance et sa réaction. « Pourquoi te renfermes-tu ? » lui demandait-il, en pleine incompréhension de ce que vivait sa femme. C’était difficile pour lui de se mettre à sa place et de réaliser qu’elle était fragilisée par cet échec et ne pouvait plus être confrontée à la joie de celles qui étaient enceintes. Écouter l’autre dans sa souffrance et sa solitude, sans forcément la partager, est déjà un soutien précieux pour celui qui se sent fragile et vulnérable.
Un emploi du temps médicalement surchargé
« La PMA est toujours une épreuve pour un couple : elle peut l’affecter, le fragiliser mais aussi le renforcer »[3], explique Juliette Pin, psychologue clinicienne.
L’intimité du couple devient presque inexistante avec des examens intrusifs pour l’homme et surtout pour la femme. Les rendez-vous s’enchaînent laissant peu de place à l’imprévu et aux moments romantiques à deux. La priorité pour ces couples s’impose : celle de rester disponible aux demandes du corps médical. Julie explique que « selon les résultats du laboratoire, la clinique m’appelait pour me rendre disponible immédiatement pour faire telle ou telle injection ». Sophia explique qu’elle devait se lever à 5h30 le matin pour foncer faire sa prise de sang au laboratoire et son échographie quotidienne avant d’aller au travail. Alors, forcément, ce parcours devient prioritaire sur le week-end prévu de longue date avec des amis, le restaurant en amoureux programmé pour l’anniversaire de mariage… La plupart des couples engagés dans un parcours PMA ont du mal à s’échapper le temps d’un week-end car leur esprit est monopolisé par le stress et la fatigue qui s’accumule. Maxime et Julie ont l’impression d’avoir vécu « un marathon » sur plusieurs mois qui n’en finissait pas.
Quant à Sophia et Dylan, c’est leur vie sexuelle qui en a pris un coup lors de leurs deux parcours de PMA. « L’instrumentalisation du corps enlève tout désir chez une femme. Notre corps devient une sorte de machine que le corps médical ajuste avec des boutons. Il faut savoir que dans une PMA, tout est réglé au millimètre près, à la température près et cela laisse peu de place au naturel. » Et puis, si malheureusement des fausses-couches, des déceptions et des opérations s’ajoutent au parcours, il est difficile d’éveiller du désir chez la femme qui subit ces désagréments et chez l’homme qui voit sa femme malmenée.
Troisième difficulté : trouver chacune sa place au cœur d’une PMA
Au début d’une PMA, chacun passe une batterie d’examens avec des étapes « plus ou moins agréables », explique Julie. « La femme porte énormément sur ses épaules dans ce parcours », explique Frank. « La femme subit des stimulations hormonales plus ou moins bien tolérées, des injections à droite et à gauche », continue Julie. Avec humour, Frank raconte qu’il a vécu une expérience inédite, « coincé dans un cabinet, à devoir remplir un petit tube. Certes, rien de bien désagréable », mais ce n’est pas ce qu’il a préféré. « Dans les examens que subissait Sylviane, je ne ressentais pas sa souffrance physique et psychologique comme elle la ressentait, ne la vivant pas dans mon corps », poursuit-il.
« Clairement, les examens portent essentiellement sur la femme, à part pour la recherche génétique et le spermogramme. J’avais l’impression d’avoir une énorme responsabilité sur les épaules avec tous ses examens. Comme si les résultats allaient dépendre de moi. J’avais l’impression d’être dans un tunnel noir. Dylan ne comprenait pas ce que je ressentais», explique Sophia. Sans doute pour essayer de comprendre ce que vivait sa femme, Dylan a voulu s’impliquer en communiquant avec sa femme après chaque examen. Mais pour Sophia, cette «surcommunication» était compliquée à gérer. Elle avait besoin de temps avec elle-même après ces examens avant d’échanger avec son mari. Un juste équilibre à trouver !
En bref…
Le parcours d’une PMA est une longue marche où chaque couple, chaque individu le vit à sa manière selon ses émotions et ses vécus. Le couple doit réussir à trouver l’équilibre pour que chacun trouve sa place et que le couple ne vacille pas. N’hésitez pas à vous faire aider auprès d’un spécialiste de l’écoute !
Armelle Maillard
[1] Ameli.fr, prise en charge de la procréation médicalement assistée (PMA)
[2] Marie-Claire, PMA : quand le couple vacille[3] Marie-Claire, PMA : quand le couple vacille